Stimulez l’intuition de votre palais !
Les Cinq Sens
… De réveiller le palais de l’anesthésie palière par le travail d’un deuxième art. Qui retrouve une esthétique, sensible, dans l’œuvre d’une autre esthétique, artiste. …
Le goût, opprimé, trop voisin localement du langage, trop jumeau ou concurrent, ne se dit bien que rarement, s’exprime souvent dans une langue qui prête à rire, dont la bouche rit, comme si le langage en son lieu ne lui laissait pas la parole. Une bouche chasse l’autre, celle du discours exclut celle du goûter, l’expulse du discours. …
Avant d’avoir bu de bon vin, nul n’a goûté le vin, ne l’a senti, donc ne le sait, n’a aucune chance de le savoir jamais. Celui-ci a pu boire, il a pu s’enivrer, nouvelle anesthésie. Mais à qui n’a goûté ni senti, le savoir n’a pu venir. Parler ne vaut pas sapience, la première langue a besoin de la seconde.
Michel Serres (1930)
Or, nos sens peuvent être éduqués à l’appréciation de la valeur d’un Cru.
La nouvelle visite sera donc axée sur l’art et la culture.
« J’aime le vin et son goût. Comment en parler est mon interrogation centrale. Pourquoi et comment aime-t-on telle bouteille ? Déguster, c’est partager mais je crois qu’il est presque impossible de parler du vin. » Jonathan Nossiter (Jonathan Nossiter, sommelier et cinéaste, son film Mondovino, sorti en 2004 avec un beau succès.).
Le vin, c’est d’abord un plaisir sensoriel et charnel, l’expression d’une culture et d’une civilisation.
En voyage, vous « ressentez » des paysages ; face à un verre, vous « ressentez » le produit et tout ce qu’il y a derrière.
Le goût est une liberté personnelle.
Définition de la nouvelle dégustation : Les cinq sens
Les explications pendant la dégustation sont plutôt axées sur l’art et la culture : le château, le vignoble, les chais, les caves, la vinification et l’élevage. La dégustation se déroule d’une manière souple et sollicite nos cinq sens pour comprendre la valeur du Cru.
1- Le rôle du guide
Le guide est un spécialiste du vin et de l’art.
Ce type d’événement est organisé pour des amateurs et des professionnels de l’art et du vin.
Les objectifs de la nouvelle dégustation sont de découvrir le vignoble, d’acquérir des connaissances sur la vinification d’hier et d’aujourd’hui, d’encourager les visiteurs à déguster, de les sensibiliser au travail qu’exige un vin de qualité et de leur transmettre la fascination liée au vin.
Connaisseur en vin, le guide conférencier national est capable de réaliser une dégustation qui ne soit pas classique. Polyvalent et passionné par l’art, il dispose d’une bonne culture générale.
Sa connaissance des langues et son sens de l’accueil sont appréciés par les visiteurs. Il adapte la dégustation au public de chaque groupe.
2- Le vin et la musique
Depuis 2003, Marc Laforet, un des plus grands pianistes de France, a créé un prestigieux festival d’été dans le Bordelais, réunissant des solistes du plus haut niveau.
Conjuguer l’amour de la musique à celui des grands crus classés, telle est la vocation du festival « Grands Crus Musicaux ».
Élaborer un grand vin, déchiffrer une partition ou interpréter une œuvre relèvent d’un même souci de perfection, d’une sensibilité commune, d’un sens égal de l’esthétique.
Cette année 2007, les concerts suivis par des dégustations se sont déroulés
dans des lieux atypiques et magiques, comme Château Canon, Saint-Émilion ou Château Yquem, Sauternes.
Les rencontres musicales internationales des Graves sont des concerts- dégustations baroques et classiques.
Autour de Saint- Émilion, le festival Jazz and Wine propose des concerts et des dégustations au cœurs de différentes propriétés viticoles.
En 2003, lors du centcinquantième anniversaire de l’acquisition de Mouton par le Baron Nathaniel de Rothschild, un repas festif s’est déroulé sous un chapiteau dans le parc du château, et a été suivi d’un feu d’artifice magnifique.
Un grand nombre de célébrités était présent et la venue de Placido Domingo fut une grande surprise.
De nombreux compositeurs ont écrit des musiques pour la table et les fêtes. Il est aussi possible d’associer la dégustation d’un plat avec une œuvre musicale. Pour la combinaison du plaisir « vin- musique », il faudrait identifier le lien entre les deux.
Voilà une analogie entre le vin et le piano de Michel Staib (Revues des deux Mondes, 2000), président du club œnophile les « 3V » (vin, vie, volupté) :
« Le vigneron et le pianiste doivent tous les deux, avec leur propre passion, émouvoir leur public à partir d’une base qui est le terroir pour le vigneron et la partition pour le pianiste. »
Ce sont les mêmes questions qui se posent au pianiste lorsqu’il interprète une œuvre. La partition, comme le terroir, constitue la donnée de base.
Le pianiste doit transmettre ses émotions, sa sensibilité par son toucher, par le tempo adopté, mais toujours en respectant l’esprit de l’œuvre comme le vigneron son terroir.
Les vignerons se distinguent par leur technique, leur passion. Pour apprécier, aimer un vin, il faut le « toucher », entrer dans le processus de l’élaboration du vin.
C’est préférable de connaître le viticulteur du vin qu’on déguste : visiter son chai, se promener dans ses vignes, écouter son histoire.
Il suffit de laisser passer son émotion dans ses doigts. Ce n’est plus nécessaire de décrire le vin avec des métaphores ou des termes de professionnel.
Le pianiste Michel Staib essaie de goûter un vin en jouant du piano.
3- La dégustation
Les sens sont les instruments de notre perception, c’est- à- dire le lien qui nous relie au monde extérieur et qui nous permet de reconnaître, grâce à l’interprétation donnée par la pensée et la connaissance les informations, par exemple la qualité d’un bon vin.
La dégustation classique
La dégustation classique d’un vin comprend trois phases successives :
La phase visuelle, la phase olfactive et la phase gustative.
VOIR
La phase visuelle comporte l’analyse de la teinte. Elle est un indicateur de l’âge du vin. Tout au long du vieillissement du vin, elle change de couleur et de reflets, consécutivement à des phénomènes d’oxydation.
Un vin rouge jeune a une couleur plutôt violacée, tirant sur le bleu.
Avec l’âge sa couleur évolue vers le jaune aux reflets bruns ou orangés.
La densité de la couleur du vin explique sa consistance, liée à la façon de la vinification, c’est- à- dire l’extraction des tanins pendant la phase de macération.
Un vin d’une forte densité est bien charpenté, s’il est de faible densité sa structure est légère.
Un autre caractère visuel est la limpidité, l’absence de trouble dans le vin.
L’éclat annonce une certaine vivacité du vin, due à l’acidité présente.
Un éclat brillant confère au vin un caractère jeune, un éclat mat est plutôt signe d’un vin en pleine maturité.
SENTIR
Le « nez du vin », ce sont les différents arômes qui s’en dégagent, définis par l’intensité et la qualité.
On trouve dans le vin :
Les arômes primaires : ce sont les arômes des différents cépages.
Les arômes secondaires : les arômes créés dans le vin durant les fermentations.
Les arômes tertiaires : ils apparaissent au cours de son élevage ou de son vieillissement en bouteille.
Tous ces arômes forment un mélange complexe qui s’homogénéise et s’harmonise en bouteille pour composer le bouquet.
GOÛTER
Le goût d’un vin s’organise en quatre saveurs :
Le sucre se définit par une impression agréable, de rondeur et de gras.
La perception du salé est relativement rare dans le vin. C’est un caractère légèrement piquant et irritant.
L’acidité s’exprime par un caractère mordant ou piquant et par une impression de resserrement des côtés de la langue vers la région centrale.
Dans les vins de qualité l’amer est assez rare. C’est une impression désagréable, rude et persistante, accompagnée d’une certaine sécheresse.
La langue est l’organe principal du goût. Elle est constituée à sa surface de papilles gustatives. Ces papilles sont regroupées et localisées en des zones bien délimitées de la langue.
Les perceptions gustatives donnent naissance à des équilibres dans le vin. Ces équilibres diffèrent selon la nature du vin : l’interaction entre l’acidité et le moelleux ou entre l’acidité et le caractère tannique.
La dégustation avec les cinq sens
Pour une dégustation qui facilite la perception du vin et qui aide à trouver le plaisir de savourer un grand cru, les deux sens le toucher et l’ouïe sont ajoutés à la dégustation classique.
TOUCHER
Le toucher fournit des informations par contact de la peau avec la surface des objets. La peau a deux couches, son épaisseur est de un à quatre millimètres selon les parties du corps. Elle est très élastique, ce qui lui permet une certaine plasticité. C’est par la peau que proviennent les sensations du toucher : tactile (reconnaissance de textures), thermique (le chaud, le froid), ou même émotionnelle (douleur, sensualité).
Voici des exemples de la façon dont on peut traduire les caractères d’un vin avec la sensation du toucher : tactile et reconnaissance de textures.
Reconnaissance des arômes par la texture
Les familles aromatiques et Les arômes
Balsamique : pin, pignon de pin
Minérale : silex, graves, cendre
Boisée : bois de chêne, châtaigne
Végétale : sous- bois, terre humide, mousse
Reconnaissance du goût par la texture
Aigu – frais – nerveux – plat – dur – creux – lisse – souple – âpre – rêche – intense – expressif – harmonieux – structuré – charpenté – étonnant – raide – tendu – charnu – solide – ferme – étoffé – velouté – satiné – tendre
ENTENDRE
L’audition est la capacité de percevoir des sons. Elle résulte de la propagation d’ondes transversales dans l’atmosphère émises dans une bande de fréquences allant de 20 à 20 000 Hertz, puis reçues et adaptées par l’organe de l’audition, l’oreille. Le pavillon de l’oreille externe focalise et amplifie l’onde qui passe dans le conduit et met en vibration le tympan. Puis il est transmis par la chaine d’osselets jusque dans l’oreille interne. Le son est transmis au cerveau par les cellules nerveuses à l’intérieur du colimaçon et le nerf auditif.
Il est ensuite analysé, interprété et mis en relation avec les spécificités d’un vin.
Le pianiste Michel Staib, connaissant ce vin pour sa puissance et son accord avec les viandes rouges, choisit un rouge, Bandol de Pibarnon 1990, pour la Sonate n°8, Pathétique de Beethoven.
Le Bandol a une robe soutenue, presque noire.
« J’imagine la puissance, mes mains se posent sur le clavier et plaquent profondément le premier accord du grave introductif de la Sonate. Cette introduction contractée et saccadée réapparaîtra deux fois au cours du premier mouvement. Elle me rappellera et traduira la robe imposante de ce Bandol tout au long de la dégustation. Les fruits rouges apparaissent, la densité de la robe, quelle complexité !
Les quatre mesures rappellent le grave et se terminent par un double piano, perturbées brutalement par le thème de l’allegro qui explose en cinq accords double forte. Je ferme les yeux à ce moment- là, avale le vin. Comme les accords, c’est un épanouissement d’arômes qui tapissent le palais. Leur persistance se prolonge plus de huit secondes. Belle longueur en bouche…, et tout s’évanouit. »
Michel Douence (Michel Douence : Mille vins note à note), musicien et œnologue, explique : « Il s’agit de déguster le vin avec les oreilles, et surtout d’en parler différemment. Dans le langage œnologique, on utilise souvent les mêmes métaphores liées aux fruits.»
Il compare le vin de Pauillac avec l’Ode à la joie de Ludwig van Beethoven.
Quelques caractères du Primeur Mouton Rothschild 2006 – Descripteur musical de Michel Douens
Robe profonde : motif- récitatif
Bouquet puissant : chœur massif
Complexité : contrepoint rigoureux
Finesse : triangle
Fruits des bois : fugue
Crème de cassis : rondeur des cordes graves
Mélange de corps et d’élégance : arpèges joués au violoncelle
Longévité : hymne
Faste : apogée musicale
Sublime : génie musical universel